• Mariage

    Franck L, Le voile de la Mariée, toile exposée galerie Norbert Hanse à Paris, XVIe 

    Meloman Lover a dit qu'il se rendait à un mariage à Béziers.

    Alors, je me souviens de mon propre mariage, voici quelques années; je ne me souviens plus de la date.

    Nous l'avions décidé pour des arrangements matériels et financiers, parce que cela nous paraissait mieux ainsi pour nos enfants. Les deux aînés étaient nos témoins.

    Le mariage précédent qui avait entraîné une vraie foule à sa suite avait rogné sur notre horaire et nous passâmes devant l'officier d'Etat civil et sa comparse bien plus tard que prévu. L'officier qui était également une femme nous regardait sans aménité. Il était bien évident qu'elle pensait que nous faisions tout pour nous moquer du monde en nous amenant ainsi simplement accompagné de deux de nos enfants et vêtus à l'ordinaire. L'hostilité durcissait son regard et le ton de sa voix quand elle se décidât à lire les formules d'usage après avoir grogné après des papiers comme si elle avait dû les chercher alors qu'ils se trouvaient devant elle. Nous avions même oublié les alliances.

    Quand tout fut apparemment fini et que nous nous levâmes pour partir, l'angoisse lui monta au visage, ses traits se défirent, elle balbutia un "vous ne vous embrassez pas ?"  Et pour lui faire plaisir car cela paraissait vraiment très important pour elle, nous avons échangé un baiser léger, rapide et maladroit car nous n'avons pas pour habitude de nous épancher en public et ce jour-là, nous l'avons très sincèrement regretté car elle paraissait tout à fait déçue et au bord d'une crise psychique comme si notre présence la déstabilisait de manière insupportable et était sur le point de déclencher un bad trip.

    Je me souviens qu'elle en avait surtout après moi, une autre femme, à peu près du même âge qu'elle. Elle voulait absolument me voir révéler que je vivais des moments dont j'avais toujours rêvé, qui m'avaient été refusés et auxquels j'accédais enfin.

    Or il n'en était rien. Je me surprenais  à m'en rendre compte sur le vif, car je m'étais demandé parfois, puisque mon compagnon était d'accord pour accepter toute option, si c'était un désir que j'avais refoulé sous de faux prétextes.

    Je prenais conscience de ma marginalité en ce que ce n'était pas l'acte du mariage que j'avais véritablement refusé mais toute cette société dans ses rituels et ses mondanités qui me sont définitivement étrangers. Et quand l'agent d'état civil me regarda une dernière fois, pour tenter de savoir ce qu'il en était: elle comprit brutalement que je niai sa valeur en tant que témoin même si j'en étais navrée. Et un instant, le partage de cette réalité qui nous divisait, nous rapprocha et c'était comme une révélation mystique dont je savais que l'agent municipal ne reviendrait pas tout à fait même si elle décidait de l'oublier.

    Je me pris à penser en catimini qu'elle ne serait plus jamais sûre d'avoir choisi le bon côté. C'était toujours ça de pris sur l'ennemi.

    Bien sûr, cela n'empêche pas que je regrette profondément mon attitude pour mes enfants, car il y a là inaptitude de ma part et je crois fermement qu'il est mieux pour des gosses que la mère soit parfaitement insérée à l'environnement. Cependant, c'est ainsi, l'on ne se refait pas. 


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