• Hommes perdus

    D'un auteur algérien, journaliste à Africultures, Fayçal Chehat: Hommes perdus au pays du cul du diable.

    L'argument: un homme vieillissant, paralysé des deux jambes a été placé à l'hôpital par sa famille. Il se remémore la vie de ses amis d'enfance.

    Une langue habile qui parvient à raconter des bouts de tragédie avec générosité et délicatesse sans pourtant dissimuler l'ignominie des faits, des histoires d'hommes bien commencées dans la lutte pour la survie en économie trouble, dans la beauté et le courage quotidien, la drôlerie parfois, et finissent broyés par des fonctionnaires grands et petits en plein délire parano et sadique. L'expression "le cul du diable" du titre, désigne un cachot où sera enfermé l'un des copains après avoir réussi à atteindre l'université et à faire son droit mais qui, ensuite, appelé sous les drapeaux, connaît cette fin sinistre à laquelle il est condamné pour des faits qui lui sont étrangers. Un autre, habile voleur, libre et séduisant, pour une histoire de femme que convoite un commissaire, sera enfermé et drogué puis mené en psychiatrie, réduit à la folie.

    Injustice, bêtise, chaos, atrocités, gouvernent l'Algérie décrite dans ce livre. Mais ce qui saisit surtout le lecteur, est ce désespoir fondamental qui hante le récit, cette incapacité résignée à reprendre en main la situation.

    Même la révolte prend des chemins étranges, ainsi Malik, le seul qui s'en sort si l'on peut dire, qui se retourne contre les gouvernants en prônant l'islam est chassé de sa maison après avoir connu tous les pouvoirs; alors il se venge: "Si nous ne pouvons revenir dans nos maisons en triomphateurs, nous jurons devant Dieu, le Miséricordieux que nous mettrons le monde à feu et à sang."

    Il devient un monstre dont on dit qu'il "s'était spécialisé dans le viol, l'égorgement et l'écartèlement des femmes de quinze à soixante-quinze ans" >

    Symboliquement, il est trop tard pour le héros-narrateur: non seulement, il est trop vieux mais il n'a plus l'usage de ses jambes.

    La conclusion est particulièrement édifiante.

    Cet homme, qui fut longtemps mon ami, devenu un monstre de légende, je ne l'ai plus croisé, jr ne sus plus à quoi il ressemblait. Aujourd'hui, seul dans mon sordide corridor, je ne suis pas loin de penser que la disparition de Kader, si tôt (celui qui fut enfermé dans le trou du diable) , l'entrée de Malik dans l'univers de l'ombre, et ma descente aux enfers nous ont sans doute évité un destin encore plus horrible.

    Bref, un livre à lire pour tenter de mieux comprendre.


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