• en rigolant dans la rigole

     A la boulangerie, on attend toujours sur le trottoir, pour peu qu'il y ait plus de deux personnes, c'est à dire dans la rigole puisque le trottoir est presque inexistant. C'est dire comme c'est petit, cette boulangerie !  et le boulanger qui l'a aménagée comme si c'était une grande ! Comme il le clame, c'est le pain qui est la vedette, pas ceux qui l'achètent. C'est pas un diplomate, ce boulanger. Faut dire qu'il n'en a rien à foutre de ce qu'on pense de lui. Son pain est bon donc ça se presse devant l'échoppe.




    Ce matin, il y avait une petite femme attendant dans l'entrée, moitié dedans-moitié dehors, habillée en baba cool syle maison de la culture plutôt que retour aux champs, et parlait beau et bien à la cliente devant moi, qui me tournait le dos. Elle lui murmurait très fort en baissant la tête comme si elle chuchotait : « Les femmes, faut pas leur faire confiance... Jamais. Moi, j'ai toujours vécue entourée d'hommes et croyez-moi, je ne l'ai pas regretté... ni eux non plus, remarquez... C'est pas ce que vous pouvez croire... des galipettes... » elle fit un grand mouvement souple du bras et de la main aux longs doigts manucurée rouge sang pour mieux expliciter les « galipettes ». Elle avait, soixante... soixante-dix... peut-être même quatre-vingt, sa peau était si parcheminée, visage, bras dénudés. Difficile de dire cependant car elle se tenait droite et souple à la fois, faut dire qu'elle était de petite taille et qu'elle n'avait pas envie de perdre des centimètres. Deux longues tresses très épaisses, très longues, très noires dont on pouvait penser qu'elles étaient ajoutées (peut-être les siennes dans une vie d'avant à moins qu'elles ne les aient achetés au cours de voyages exotiques, en Inde par ex, premiers fournisseurs de cheveux dans le monde) encadraient son visage puis sa poitrine largement décolletée mais où l'on ne pouvait voir la naissance des seins qui gonflaient pourtant corsage et boléro, sans doute des bonnets ampliforme pour le relief et c'est vrai que c'était joli à voir, mettait en valeur le gilet  brodé, le volanté mousseux du corsage.




     Elle avait la taille si fine au-dessus du pantalon ample et ses petits pieds en sandalette prenaient un air mignon, surprenant, pas maigres, osseux et déformés ou tout gonflés comme ceux d'une femme de son âge. Non, c'était de petits pieds curieux, courts et lisses, avec de tous petits orteils un peu ramassés sur eux-mêmes, un peu boudinés mais inexplicablement jeunes. Je me suis dit soudain qu'elle devait être danseuse, presque une certitude vérifiée en observant les muscles étirés du cou.




    Elle continuait à parler à l'autre femme : « Non, les femmes rien à faire... Tenez, ma sœur, mon unique sœur... et bien, elle m'en veut... vous ne pouvez pas savoir... la rivalité...




    C'est qu'elle est obèse, voyez-vous, tandis que moi, je suis comme ça ! » Elle a pointé l'auriculaire en l'air pour montrer combien elle était mince. Elle poursuit : « C'est simple quand on se promène ensemble /elle égrène un joli rire comme si elle se moquait d'elle-même/ on dirait Laurel et Hardy !  Un jour, je lui ai fait : allez, appelle-moi Stan !  C'était une bourde, comme ça, pour rire. Mais elle n'avait pas compris et elle a insisté pour que je lui explique. Bien sûr, expliqué, c'était un peu lourd, et même beaucoup /re-rire/ alors elle a piqué un fard ! aucun humour ! je ne sais pas si vous avez remarqué mais contrairement à la légende, les grosses n'ont aucun humour (à noter que la dame avec qui elle parle, est grosse, justement) les gros, oui, et même ils sont fins /re-rire/ mais les grosses... trop pudiques avec ça ou alors carrément obscènes... enfin des femmes, quoi, puissance +.  Croyez-moi. Entourez-vous d'hommes et vous vous en porterez mieux ! »


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